Signes non pour être complet, non pour conjuguer / mais pour être fidèle à son ‘transitoire’ / Signes pour retrouver le don des langues / la sienne au moins, que, sinon soi, qui la parlera ? H.M.
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12 janvier 2012

C'est la Chine

J’écoute, en ligne, la première leçon du cours de Jean-François Billeter intitulé "Introduction à la civilisation chinoise et à la Chine d'aujourd'hui", donné à l’université de Genève en 1998.
Billeter essaie de rendre sensible, aux étudiants, la formidable diversité de la Chine. Il dit que, la Chine étant un pays, nous pouvons avoir le réflexe ou la tentation de comparer ce pays avec d’autres pays, comme la France ou l’Angleterre. Mais la Chine, c’est aussi et peut-être d’abord un continent, une civilisation. Il évoque des régions chinoises aussi différentes que peuvent l’être, à nos yeux, le Danemark et le Portugal. Ces différences touchent les espaces et les hommes tout aussi bien. Là, Billeter donne l’exemple des étudiants de Pékin, en 1989, tâchant de convaincre, place Tiananmen, les militaires juchés sur les chars de ne pas obéir aux ordres de leurs supérieurs. Et découvrant que ces militaires sont des paysans qui n’ont jamais connu Pékin, qui n’ont jamais connu la ville; que certains, même, sont persuadés qu’ils participent à une gigantesque mise en scène, au tournage d’un film ou à quelque chose de ce genre… Enfin, Billeter souligne les différences qui ont trait aux générations. Des professeurs d’université lui disent: "Les étudiants d’aujourd’hui, pour moi, ce sont des Martiens. Comment leur parler?" Autrement dit, quel est le rapport entre un yuppie de Shanghai et un berger tibétain?
Donc, il vaut mieux parler d’un monde chinois, comme on parle d’un monde méditerranéen.
J’écoute cela et je pense (je ne peux pas m’en empêcher): le monde que j’ai connu, celui dans lequel je vis, et qui compte, entre autres, un grand-père paysan sicilien, un père migrant ouvrier lausannois et un vieil étudiant qui twitte en écoutant Billeter, c’est la Chine.

11 septembre 2011

Paris carnet de la patience 37

Je vais bientôt rentrer.

Cet après-midi, Stéphane Lambert m’a écrit un courriel. Il a lu mon nom et ma spécialité sur la liste des résidents du Centre. Il y réside également. Il a voulu me rencontrer. Nous sommes allés manger une pizza au-delà du canal, au Pink Flamingo.

(S’il avait lu ma fiche Wikipédia, dont j’ai découvert l’existence, il y a deux semaines, en "googlant" mon propre nom, ce que je fais régulièrement – "Filippo Zanghì, né le 20 janvier 1974 à Lausanne, est un écrivain vaudois" – m’aurait-il contacté? D’autant plus volontiers, peut-être. À propos d’"écrivain vaudois"... Ne devrais-je pas m’octroyer la licence d’intituler mon carnet Paris, notes d’un Vaudois 2? Sur le bandeau publicitaire: The "écrivain vaudois" is back… Succès garanti... Enfin, bref.)

Stéphane Lambert est grand. Il a des yeux clairs, intimidants.
Il connaît tout du milieu culturel belge. (Au moment de nous quitter, il me dira: "Je crois à un esprit belge.") Mais il connaît aussi pas mal de choses sur le microcosme parisien. Il me dit qu’Untel a été l’amant d’Unetelle et qu’il est obsédé par le Goncourt. Il me dit aussi que Jacques Réda lui a écrit. Qu’il a lu et beaucoup apprécié l’un de ses manuscrits.
À la fin, on en arrive au paysage urbain. C’est ce qui a poussé Stéphane Lambert à m’écrire. Il me dit qu’il vise une trilogie Prague-Paris-Los Angeles. Ces villes symboliseraient respectivement le passé, le présent et l’avenir. J’ai envie de plaisanter en lui disant que l’avenir est à Shanghai, mais je m’abstiens. Il me dit aussi qu’il ne veut pas lire trop de livres sur les sujets qui l’intéressent. Surtout, pas de littérature. Plutôt des sciences humaines. Je comprends. J’ai les mêmes réticences à propos de la Sicile. Mais de cela non plus, je ne dis rien.

De retour dans ma cellule, je lis des extraits de ce qu’il écrit sur son site.
Je le vois chercher la tombe de Joseph Roth, dans les allées du cimetière de Thiais, dont Wikipédia m’apprend qu’il est un des cimetières parisiens extra-muros.
Plus bas, Joseph Roth est vivant, je le vois et je vois "l'ivresse et l'écriture emmêlées, pauvre moyen de faire".

Il y a une heure, Stéphane Lambert et moi sommes devenus "amis" sur Facebook.
Le Bruxellois et le Lausannois sont amis. Après tout, je crois que c’est une bonne manière de conclure mon séjour à Paris.