"Les “vieux Lausannois”, pour autant qu'il y en a, ne soint point imbus de leur ancienneté. Le canton, les vallées des Alpes et du Jura, les villages paysans du Plateau, ont constamment renouvelé le sang lausannois, l'alimentant en forces nouvelles: gens des professions libérales, fonctionnaires fédéraux et cantonaux. La ville exerce un attrait compréhensible, par tant d'espérances de travail, sur les Valaisans et les Fribourgeois aux familles nombreuses, à l'étroit dans leurs vallées et leurs campagnes. L'horloger neuchâtelois y ouvre volontiers boutique ou s'y établit pour ses vieux jours. La Suisse alémanique fournit son contingent régulier de commerçants, d'employés et d'apprentis qui, le tunnel de Chexbres franchi, ont peine à rebrousser chemin vers les brumes du Nord et se dédouanent en oubliant leur langue maternelle. L'Italien est entrepreneur ou maçon. Mais tous sont rapidement d'excellents Lausannois, se sentant chez eux dans cette ville qui est, par excellence, une ville ouverte, assez aérée pour échapper aux préjugés, aux méfiances."
10 janvier 2012
Tous Lausannois
par Filippo Zanghì 0 commentaires
01 novembre 2011
L'Atelier
Il y a longtemps que je ne travaille plus à la maison.
Ces deux dernières années, j’ai eu la chance de pouvoir occuper une chambre, dans un appartement.
J’y avais installé un bureau. Une bibliothèque Ikea (mais pas une "Billy"). Un fauteuil. Une table basse. Et deux chaises.
Les murs étaient nus. Il y avait seulement, derrière mon dos, une feuille A4 où était imprimé un calendrier de rédaction (pour ma thèse) et, les dernières semaines, une autre feuille, de même format, qui portait:
L’autre jour, j’ai déménagé. Désormais, je travaille à "l’Atelier".
J’y loue un espace de quasiment 10 m2. Et je ne suis plus seul.
Mes colocs sont jeunes et beaux.
Ils – elles – sont graphistes, web designers, strategic planner, illustratrice, comédien-metteur-en-scène-artisan-du-mouvement, etc., etc.
Tous indépendants.
Il y a là un bureau, généreusement mis à ma disposition, une paroi mobile qui fait un angle droit avec l’un des murs de la pièce, et deux bibliothèques, mobiles elles aussi.
Devant moi, la paroi. Derrière moi, la bibliothèque "thèse". À ma gauche, le mur. À ma droite, la bibliothèque "roman".
Tout est ajouré. Tout est lumineux.
Autour de moi, cette fois-ci, j’ai habillé les surfaces. Sur le mur de gauche, une affiche du Kunsthaus de Zurich reproduit une photo d’Ed Ruscha, de la série Thirtyfour Parking Lots in Los Angeles. Sur la paroi, au-dessus de l’écran de mon ordinateur, une affiche de la Städtische Galerie im Lenbachhaus und Kunstbau de Munich reproduit, sous verre, un photo-montage où, dans une vapeur grisée, un cheval et son dresseur marchent le long des gradins bleu indigo d’un cirque, mais comme en les frôlant, comme en les effleurant, ou comme s’ils marchaient sur l’eau. Juste à côté, j’ai collé six tirages ifolor (20x30 cm) de photos que j’avais prises lors de mon séjour en Sicile, en février-juin 2007.
Voilà.
On est le 1/11/11 et je suis officiellement colocataire de l’Atelier.
On a fait connaissance et J. m’a dit: "Ah! Toi, tu es celui qui écrit!"
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11 septembre 2011
Paris carnet de la patience 37
Je vais bientôt rentrer.
Cet après-midi, Stéphane Lambert m’a écrit un courriel. Il a lu mon nom et ma spécialité sur la liste des résidents du Centre. Il y réside également. Il a voulu me rencontrer. Nous sommes allés manger une pizza au-delà du canal, au Pink Flamingo.
(S’il avait lu ma fiche Wikipédia, dont j’ai découvert l’existence, il y a deux semaines, en "googlant" mon propre nom, ce que je fais régulièrement – "Filippo Zanghì, né le 20 janvier 1974 à Lausanne, est un écrivain vaudois" – m’aurait-il contacté? D’autant plus volontiers, peut-être. À propos d’"écrivain vaudois"... Ne devrais-je pas m’octroyer la licence d’intituler mon carnet Paris, notes d’un Vaudois 2? Sur le bandeau publicitaire: The "écrivain vaudois" is back… Succès garanti... Enfin, bref.)
Stéphane Lambert est grand. Il a des yeux clairs, intimidants.
Il connaît tout du milieu culturel belge. (Au moment de nous quitter, il me dira: "Je crois à un esprit belge.") Mais il connaît aussi pas mal de choses sur le microcosme parisien. Il me dit qu’Untel a été l’amant d’Unetelle et qu’il est obsédé par le Goncourt. Il me dit aussi que Jacques Réda lui a écrit. Qu’il a lu et beaucoup apprécié l’un de ses manuscrits.
À la fin, on en arrive au paysage urbain. C’est ce qui a poussé Stéphane Lambert à m’écrire. Il me dit qu’il vise une trilogie Prague-Paris-Los Angeles. Ces villes symboliseraient respectivement le passé, le présent et l’avenir. J’ai envie de plaisanter en lui disant que l’avenir est à Shanghai, mais je m’abstiens. Il me dit aussi qu’il ne veut pas lire trop de livres sur les sujets qui l’intéressent. Surtout, pas de littérature. Plutôt des sciences humaines. Je comprends. J’ai les mêmes réticences à propos de la Sicile. Mais de cela non plus, je ne dis rien.
De retour dans ma cellule, je lis des extraits de ce qu’il écrit sur son site.
Je le vois chercher la tombe de Joseph Roth, dans les allées du cimetière de Thiais, dont Wikipédia m’apprend qu’il est un des cimetières parisiens extra-muros.
Plus bas, Joseph Roth est vivant, je le vois et je vois "l'ivresse et l'écriture emmêlées, pauvre moyen de faire".
Il y a une heure, Stéphane Lambert et moi sommes devenus "amis" sur Facebook.
Le Bruxellois et le Lausannois sont amis. Après tout, je crois que c’est une bonne manière de conclure mon séjour à Paris.
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28 août 2011
Paris carnet de la patience 36
"Dès le crépuscule de la nuit, les lumières fleurissent et donnent à la ville un air de fête inquiétant, parce que l’on sent, dans cette exaspération du génie humain, comme une sorte de défi. Il semble parfois, quand on contemple le ciel de Paris et ses constellations fabriquées, que l’équilibre des choses de la nature soit rompu. Je pense à la situation mélancolique de ceux qui habitent la plate-forme la plus élevée de la haute tour d’acier qui abat sur la ville les rayons inquisiteurs de ses phares. Cette tour Eiffel, bafouée, insultée, il n’y a pas longtemps, comme un grand poète par une critique sans indulgence, n’a pas attendu longtemps les hommages de l’art et de la littérature. Mille plaquettes de luxe célèbrent aujourd’hui sa puissance plastique et le mystère crépitant des ondes qui traversent l’espace avec tous les mots qu’on leur a confiés. En levant la tête au pied de la Tour, on sait que le ciel est parsemé de dépêches et que la pensée des hommes, en quelque sorte matérialisée par le son, se mêle à l’Inconnu et le bouscule dans sa course disciplinée. Au-dessus des rues calmes ou enfiévrées, une atmosphère d’intelligence humaine recouvre la ville de même qu’un globe. Le passage des dépêches de la TSF dans la nuit mêle aux éléments naturels de notre ciel un élément nouveau dont Mme de Sévigné ne pouvait pas s’émerveiller. La nuit, quand je me promène, et que je hume l’air, il me semble que j’aspire des chiffres échappés de la cote de la Bourse, ou les points et bâtonnets de l’écriture morse qui ressemblent singulièrement à des bacilles.
Tout ceci dépasse, pour être évident, le domaine de la littérature. La littérature, avec le cadre magnifique mais étroit de la langue et la richesse de ses héritages, n’est pas l’art d’expression d’une époque dont les caractéristiques sont la vitesse et l’association des idées. […] Le cinéma est le seul art qui puisse rendre le fantastique social d’une époque de transition où le réel se mêle à l’irréel à tous les pas."
"Sur mes zones blanches, j’écrivais à l’aveugle, sans plan ni projet précis, mais me sentais toujours vaguement ridicule à rapporter, comme l’aurait fait un archéologue ou un entomologiste à chapeau de paille, des miettes de désordre urbain serrées dans mes petits cahiers. J’avais souvent la tentation, une fois mes pages noircies, de les laisser là, au sommet des tas d’ordures, comme d’autres se débarrassaient de leur réfrigérateur ou de leur machine à laver. Une nouvelle technologie, celle de "l’informatique diffuse", aurait pu me permettre de faire quelque chose d’approchant: associer, via une liaison radio à courte portée, un texte à un lieu et diffuser ce message sur les téléphones portables de toute personne passant à proximité de l’endroit "annoté". Conçue à l’origine pour faire de la publicité ciblée (informer les badauds du menu d’un restaurant, d’un programme de cinéma, etc.), "l’informatique diffuse" permet d’écrire dans l’espace en utilisant les cartes comme une portée. […]
Riche de promesses, "l’informatique diffuse" s’est finalement révélée hors de ma portée, tant pour des raisons techniques que financières. À terme, je ne désespère cependant pas (on peut rêver) de convaincre l’un des organismes qui travaillent au développement de cette technologie (la société britannique Proboscis, l’Institut national de recherche en informatique et automatique de Rennes et l’École polytechnique fédérale de Lausanne) de me confier un de leurs prototypes pour organiser des jeux de piste géants dans Paris."
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09 août 2011
11 juillet 2011
Renens ce soir (il y a tout juste 70 ans)
"Lausanne a construit une humanité en dehors de son cadastre et de ses bornes. C’est étonnant l’impression qu’on éprouve ce soir. Il n’y a rien – j’y réfléchis – de plus sublime que le neuf, le neuf utilitaire qui fait renaître l’épopée. Je n’ai de sens, en tout cas, qu’à cela ce soir, et, de famille, que ce luxueux peuple qui improvise, organise un ton, lequel se trouve être parfait comme tout ce qui est du monde-monde – le contraire de ce qui est appelé "gens du monde". Il n’y a de sain et de vrai que le peuple.
C’est du côté de Renens ce que je veux dire, quand l’herbe et le ciment composent avec l’éternité et que la préhistoire qui renaît salubrement-biologiquement oriente les foules en dépit de toutes les intentions louables ou non des architectes. Ce qui existe dès lors est simplement cela qui permet au rossignol de faire s’écrouler dans les derniers grands arbres ses éperdues cascades qui pèsent.
D’une terrasse – car il y en a quand même – je discerne une demoiselle qui est sur la route à bicyclette avec de nombreux paquets intelligemment ficelés, et aussi un chien qu’elle tient en laisse, lequel aplatit ses pattes placidement à sa droite à sa bonne petite allure à elle. Elle doit avoir un petit pied-à-terre quelque part à la campagne. Le bonheur, en d’autres termes. Elle doit avoir un emploi et gagner un peu plus que juste sa vie, ce qui lui permet ce luxe – appelons ce peu de liberté luxe.
Mais il ne lui en faudrait pas davantage. Si elle gagnait ce soir à la loterie – puisque c’est justement ce soir qu’elle se tire – elle perdrait la tête. Il vaut mieux que ce soit demain, à tête reposée, ce moment où elle constatera en lisant le journal qu’elle n’a rien gagné – ou seulement un franc. Ni moi non plus je ne gagnerai rien. Le petit frère de la blanchisseuse a gagné dix francs le mois passé et tout le monde souriait de plaisir quand il racontait cela dans le train – car la vie se passe en train ici, et il serait difficile qu’il en fût autrement, puisqu’il n’y a qu’une route conquise sur le lac et les vignes et, tout de suite après, l’altitude. Toutefois, du côté de Renens, il n’y a plus ce rocher, et l’agriculture et le bâtiment s’épanouissent mieux sur une étendue qui a de la profondeur, et c’est cela qui brusquement permet cette humanité et cette élégance juste du peuple qui fait perdre la tête. C’est là, du moins, que je suis ce soir. Et j’y reviendrai tous les soirs. Tant qu’il fera beau. Ah! mais il pleut tandis que j’écris ça.
Cette demoiselle – il y a longtemps qu’elle est loin – avait de ces valises en paille tressée dites japonaises, avec des coins de cuir pour prévenir l’usure, et cela me rappelait le bon vieux temps. L’une doit sans doute contenir de ces bons livres anglais ou russes, si agréables, très compagnons, en tout cas qui vous soutiennent: un Gorki, un Tourguenief, disons. Et elle passera ainsi le samedi, le dimanche, le lundi. Ainsi ou autrement.
Il faut avouer qu’il y a encore de fastueux jours sur la planète.
C’est comme s’il n’y avait point de guerre. Et, de fait, même dans les pays belligérants, il n’y en a point: il y a ce lyrisme de toute la nature, qui est celle-là humaine aussi, qui est bien plus fort que tout ce que peuvent mettre en branle les hommes en fait de mitrailles et de discours.
Il y a aussi le grillon qui s’évertue dans le ciment – les drains préparés pour un ouvrage sur l’herbe – comme l’heure s’avance et que les derniers "goals" des fils pas encore couchés s’abattent avec brutalité sur les belles persiennes de tôle peinte qui sentent bon des fenêtres. Fussent-elles ouvertes, les vitres voleraient en éclat. C’est vous dire quelle valeur il y a ici dans ces muscles et ce crépuscule.
Point de touristes, point de muscadins, plus de dames à cannes qui sentent le vieil ambre fripé. C’est sérieux et éternel.
Aucune voiture ne passe. C’est si agréable, maintenant, cette extinction de l’industrie automobile.
Je me réjouis, demain, parce que c’est dimanche."
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16 juin 2011
16 novembre 2010
Paris carnet de la patience 19
Me souvenir que j’ai lu Le Livre noir en écoutant In Rainbows, de Radiohead (les deux font désormais la paire), que je vivais avenue du Chablais, que S., un soir, lisait ou travaillait à mes côtés, sur le divan à deux places que nous avions acheté ensemble chez Ikea.
La lumière tombait de la lampe qu’elle m’avait offert, laquelle pendait du plafond par deux cordons, vers deux ampoules aux abat-jour tronconiques, reliées par un axe de couleur laiton. La musique se mêlait avec les parcours, les souterrains, les choses et les ombres du roman, et donnait, en somme, son accord, ou bénissait le sentiment de fraternité que j’éprouvais pour la voix, la voix qui racontait les doutes, la peur, et qui s’enfouissait dans ses propres échos sourds.
Je lis le discours que Pamuk a prononcé à la réception de son Nobel et je remarque avec satisfaction que se confirme la sensation confuse, diffuse que j’avais éprouvée à la lecture de son roman: celle d’y voir se déployer, pour devenir précisément tout un roman, l’angoisse de n’être pas au centre, l’angoisse de n’être pas authentique, l’angoisse de singer sa vie, de tout singer en croyant vivre le plus sincèrement du monde.
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30 septembre 2010
02 septembre 2010
Paris carnet de la patience 15
Passé un long week-end avec F., qui va se marier et qui m’a demandé d’être son témoin. On est allé voir la Seine. On a bu un verre place de la Sorbonne. On a mangé comme des princes dans les brasseries. Grimpé la Tour Eiffel. Marché sur les Champs-Élysées. Assisté au dernier match du PSG depuis la tribune "Paris". Bu du champagne au Crazy Horse. Il m’a dit: "Moi, je préfère celle-ci." Je lui ai dit: "Moi, je préfère celle-là."
La veille, nous étions à l’Indiana Club et, de nouveau, je me suis surpris à m’étonner de l’entendre employer l’expression "ici" pour désigner, sans aucun doute possible, Lausanne au lieu de Paris, alors que, pour moi, "ici" = Paris. Pensé aux théoriciens du voyage et au cas particulier des séjours prolongés, lesquels entraînent avec le temps, et c’est ce qui fait une grande partie de leur intérêt, un renversement de perspective – renversement du rapport entre l’ici et l’ailleurs, le dedans et le dehors, le même et l’autre, etc., etc.
Avant hier, je l’ai raccompagné gare de Lyon. Le train est parti.
Je me suis remis en marche, lentement, remontant le quai. J’ai emprunté les escalators, vers le souterrain. J’approchais d’un nouvel escalator, pour descendre d’un niveau encore, vers le métro, quand deux hommes, surgis de la foule, peut-être un père et son fils, se sont approchés de moi et m’ont demandé, en mélangeant français, anglais et charabia, s’ils devaient descendre ou monter pour… sortir ou attraper leur train. Je n’ai pas compris. J'ai pensé seulement, très vite, qu'ils avaient un air transalpin. Il nous a fallu deux répliques avant que je réalise qu’ils n’arrivaient pas, mais qu’ils partaient. Bien qu’ils fussent apparemment très pressés et très inquiets, ces répliques ont suffi pour que le visage du père (je m’adressais au père) s’éclaire un instant et qu’il remarque, au vol: "Lei è Italiano, vero?"
J’ai eu le temps de dire "oui". Il souriait quand ses pas l’ont emporté.
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21 mars 2008
12 mars 2008
Le temps des immigrés italiens en Suisse
Le cours, animé par Raymond Durous, a pris fin début mars.
J'ai pu enregistrer les séances.
Nous avons regardé des films, écouté des chansons, discuté.
Ci-après, les liens vers ce qui s'est dit et entendu au cours des six séances.
- Siamo italiani
- Braccia sì, uomini no
- Il Treno rosso
- Pagine di vita dell'emigrazione
- Statut: saisonnier
- Lo Stagionale
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08 janvier 2008
Bonne année et le point
Bonne année à tous les lecteurs du Transblog!
Le point sur la situation: avec mes deux heures de travail quotidien sur le roman, mon manuscrit a fini par atteindre la centaine de pages aux alentours de Noël. Je compte maintenir le cap jusqu'en été.
J'ai participé à The "Call me I'm an artist" Project, à l'initiative de naphtaline, en novembre et décembre derniers. Le projet suit son cours.
Une lecture d'extraits choisis du roman est au programme des "Jeudis des passeurs de mots", au café-théâtre Le pois chiche, à Lausanne, le 22 mai prochain:
Si le Transblog ne figure pas encore au top 100 de la blogosphère (mais n'est pas trois millions cinquante-trois mille cent cinquante-septième qui veut), sa version audio, en revanche, cartonne sur Arteradio (enfin, presque).
Last but not least, je me suis inscrit à un cours de l'Université Populaire de Lausanne qui débute fin janvier. Il s'intitule "Le temps des immigrés italiens en Suisse". Il reste des places!
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14 décembre 2007
Couleur 3 ?
Extrait n°6
1er novembre 1990.
Alessandro écoute la cassette que Virgile a enregistrée.
Après manger, il regarde la télé, ensuite les murs de sa chambre.
Il doit apprendre un poème par coeur.
Lecture : Georges Brasey
Image : Sandro Santoro
Assistant image : Fulippu
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17 septembre 2007
Pétards la joie
«Bisogna proprio dire, osservai, parlando con Alessandro, che le vostre feste sono essenzialmente… rumore!
– Voscenza sappia, mi rispose, che la gioia si esprime coi suoni. I rumori di oggi sono niente paragonati a quelli che rallegravano le feste di quand’ero bambino. In piazza e nelle principali vie del paese si stendevano file di mortaretti grandi e piccoli, collegati da una miccia; appena si dava fuoco a questa, i botti si susseguivano con grande rapidità, e l’intero paese era scosso dal fragore, anche per un’ora di seguito. San Giuseppe, aggiunse, è di legno e non è proprio sicuro che possa udire i nostri urli e la banda e il panegirico del prete, ma i mortaretti… quelli, è sicurissimo che li sente.»
Louise Hamilton Caico, Sicilian ways and days, 1910
(trad. Renata Pucci Zanca)
Que l’Italie ait remporté le Mondial, j’en tressaille encore (j’en avais remporté un autre, à ma manière, deux jours auparavant). Ma joie n’a éclaté qu’avec un temps de retard, parce que je croyais que le penalty de Fabio Grosso n’était pas décisif, qu’un Français devait encore tirer après.
L’explosion m’a corrigé.
Nous sommes montés à Saint-François. Il y avait des pétards. On était là. Pétards. On chantait. Pétards. On sautait. Pétards. Pléthore de pétards. Finalement, les pétards, ça nous a ennuyés. Des pétards, d’accord. Que des pétards, non. Alors, nous sommes partis.
Je sais qu’en Italie, la pyrotechnie grève le budget du moindre patelin. Fête du Saint Patron: boucan d’enfer. Au point que, lors de mon premier Premier Août, j’ai cru que les feux, c’était une blague. Comment? Déjà fini? Vous avez entendu quelque chose?
Le soir de la finale du Mondial, j’aurais bien aimé que ça ressemble au Premier Août : pas trop long, pas trop fort. Ils m’ont gâché Saint-François, ces p’tits cons.
Evidemment, dire cela me classe illico dans les vieux. Vous savez, ceux qui disent: 1982, c’était mieux. Pas de tirs au but. Pas de coup de boule. Et pas – ou moins – de pétards.
Comment sauver 2006? Eh bien, en faisant remarquer que les pétards, la pléthore de pétards, ne sont pas une vogue passagère, mais une discipline consacrée. Plus on remonte le temps, plus les villages pétaradent. En Sicile, une mèche interminable était tendue dans les ruelles, une guirlande de pétards. L’explosion était ininterrompue. Ça pouvait durer une heure. On cassait la vaisselle. Les vitres volaient en éclats. La joie s’exprime avec les sons, disait Alessandro à Mme Hamilton.
À Saint-François, cette nuit-là, les pétards, c’était peut-être la résurgence de cette joie. Même le saint l’a entendue, peut-être.
Je me dis ça maintenant. Ça ne me rajeunit pas pour autant.
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03 juillet 2007
Ke ke ke ke ke
Là-bas, j’ai lu les Chroniques de l’oiseau à ressort. Son cri, c’est Ki kii kiii (en traduction).
Quand je travaillais, j’ouvrais les fenêtres. Je voyais la terrasse, le mur de séparation et je devinais un jardin, la cime des citronniers, puis la via Dante et le mont qui surplombe le village. En fin d’après-midi, un oiseau faisait: «Ke ke ke ke ke», entre le pépiement et le volètement des autres. Je ne connais pas le nom des oiseaux.
- Peu importe, dirait Toru Okada.
Je suis rentré. La semaine dernière, j’ai travaillé deux jours au gymnase de Beaulieu. Un soir, je rentre chez moi. Je marche rue du Maupas. Lentement, je détaille les maisons, les arbres et… «Ke ke ke ke ke»… J’entends l’oiseau. Il existe ici aussi.
- C’est le même, dirait Toru Okada. Il est venu jusqu’ici. Il se déplace, c’est son travail.
Je suis moins cosmopolite dans l’âme. Je croyais que l’oiseau n’appartenait qu’à ce jardin, qu’à cette île et qu’il me séparait du reste du monde.
Je suis resté sans bouger un long moment, cherchant à l’apercevoir.
- Inutile, dirait Toru Okada.
À la maison, hier soir, je réécoute des enregistrements. Il est tard. La cloche sonne… Spontanément, et très vite, je cherche à localiser son origine, et dans le même temps, je m’étonne à nouveau de sa ressemblance avec la cloche du village. Est-ce que ça vient de la chapelle, de l’autre côté, vers le chemin de l’Usine à gaz? Ou… Imbécile: ça vient de ton ordinateur; c’est bien la cloche du village, tapie sous la voix de Giovanni.
J'ai pensé: même oiseau, donc même son de cloche. Je tire des leçons à chaque heure du jour.
Où est-ce que j’ai la tête?
Ça m’apprendra.
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28 février 2007
I.V.A.N.
Dernier entretien en Suisse, avant le départ.
J'ai connu Ivan sur les bancs d'école. On devait avoir cinq ans.
L'autre matin, je tombe sur une affiche dans un magasin de disques. C'est lui. C'est son premier album. Il l'a fait.
Je l'ai revu chez lui, et puis en ville. Heureux de partager ces moments avec mon premier meilleur copain.
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19 février 2007
Acquedolci
Aujourd'hui, j'ai déjeuné avec Marco et mon cousin au Bellerive's Bar. On a causé.
Je pars dans trois jours, Marco dans deux mois. Cet été, je serai de retour. Lui, le retour, c'est là-bas.
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15 février 2007
07 décembre 2006
Palais Bel-Air
Dans le dernier film de Lionel Baier, Comme des voleurs (à l’est), le personnage découvre qu’il est vaguement d’origine polonaise. Avec sa sœur, il quitte Lausanne pour la Pologne.
Au début du film, il y a des plans de Lausanne: Bel-Air, Saint-François, la cathédrale depuis le Grand-Pont, le Palace emberlificoté et d’autres coins encore, que je reconnais.
On est pendant les fêtes. Clignotements, rougeurs, luminaires.
À la fin du film, le personnage rentre chez lui. Quelqu’un lui a dit: «C’est toi qui décides si tu es polonais.» Sa sœur, elle, va rester en Pologne. Ils se quittent à la gare.
Il y a de nouveau des plans de ville. On est de nouveau pendant les fêtes. Le frère est rentré, la sœur est restée. Alors, j'ai un doute. Je ne sais pas si on est à Lausanne ou à Varsovie.
Après, je sais, je devine qu’on est à Varsovie. Il y a des feux d’artifice. On voit le Palais de la Culture. C'est lui. C'est le joyau mastodontesque de l’architecture totalitaire.
Et puis, un bref instant, parce que le doute n'est pas très loin, j'hésite à nouveau.
Le Palais, pour un peu, est comme la Tour Bel-Air.
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