Signes non pour être complet, non pour conjuguer / mais pour être fidèle à son ‘transitoire’ / Signes pour retrouver le don des langues / la sienne au moins, que, sinon soi, qui la parlera ? H.M.
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04 août 2014

Il est rentré (mon premier livre)

Ça fait longtemps qu’il est rentré, Sandro. Plus d’un an déjà.

Aujourd’hui, le projet Andata e Ritorno est devenu un spectacle.

Trois livres naissent aussi du projet :

  • Quelque part entre deux points du monde (suivi de Ici), de Germano Zullo, qui est le texte du spectacle inspiré par le voyage de Sandro ;
  • Paysages intermédiaires, la correspondance images/récits entre Sandro et moi, qui a été réalisée pendant le voyage ;
  • Immagini, enfin, photographies de Sandro, souvenirs du voyage et "parcours imaginaire".
Les trois livres sont à paraître.
Ils peuvent être commandés ici.

En un certain sens, Paysages intermédiaires est mon premier livre. (Il n’est pas le dernier.)
Je n’en suis pas peu fier.


30 mars 2013

Il est parti

Sandro est parti ce matin. Une cérémonie de départ était organisée au Théâtre des Trois P'tits Tours.
Il a fait un petit discours. Et puis, il a pris son grand sac à dos.
Il est parti.
2000 kilomètres à pied. De Morges à Petrizzi. De Morges – en Suisse – à Petrizzi – en Calabre.

Cinq ou six minutes à peine après son départ, nous avons quitté le théâtre.
J’ai pris ma Panda. J’ai roulé un peu. Et je l’ai vu qui marchait.
Il était dans le crachin. Très loin, déjà. Et j’ai pensé: "Mais c’est bien sûr… Il marche dans le temps…"

Je me suis souvenu du poème intitulé "Mars à Meudon", dans lequel Jacques Réda récupère une phrase de Borgès:

Je peux attendre l’autobus sous ce doux aspergès
De mars. Il pleut. Ou il pleuvait. (
La pluie, a dit Borgès,
Est quelque chose qui sans doute a lieu dans le passé.)

C’est ça. Il pleut. Il pleut toujours. Et il pleuvait.
Il est parti, maintenant. Et moi, je rentre. Ou je rentrais.
C’est un peu ça.
Il est parti.
Et moi, dorénavant, je suis là-basje me souviens.

17 octobre 2011

Paris carnet de la patience 39

Dernier jour. Dernier feuillet du carnet de la patience.
(J’ai fini ma thèse.)
J’entre dans la chambre, m’approche de la fenêtre.

Le vent souffle dans les arbres du square Villemain.
Déjà, je ne sais plus si l’on écrit Villemin ou Villemain. Dans Libération, on revient sur les lieux, on s’enquiert des Afghans; de ceux qui n’ont plus où passer la nuit; qui n’ont plus où s’organiser; où se tenir.
Je vois une machine soulever le ciment du parc de jeux par blocs entiers, mais comme s’il s’agissait de feuilles de papier.
Il y avait les Afghans. On les a chassés.
Il y avait les enfants. Le jardin est en travaux.
Plus de château. Plus de tours. Plus de cheval-balançoire. Plus de bac à sable.
Difficile de résister à la tentation du signe: une page se tourne.

Hier soir, avec S., on est allé au concert. Écouter Mirabassi, de nouveau. Je voulais lui montrer.
Trois sets. Ils ont fini à une heure et demi du matin. C’était génial.
Parker était extraordinaire. Il ne faisait pas de solos avec ses viscères, mais de tout son corps frappant, frappant, sautant et le visage tiré, gonflé. Cette pêche, ces coups, à un moment, j’ai pensé: "C’est la vie, le coup qui fait avancer…" J’ai pensé aussi, très vite: il va y avoir des coups, de grands coups dans la douleur et dans la vie.

Je vais rentrer.
Je vais quitter la chambre du couvent – la cellule.

J’aimerais faire de la littérature. Écrire comme Jacques Réda. Comme Jean Rolin. Comme Ohran Pamuk ou Leonardo Sciascia. Comme Henri Michaux ou Marie Ndiaye.

Patience.
La littérature n’est pas une terre promise, une terre lointaine.
Demain, mon frère sera là. On va mettre les livres dans les valises.

20 juin 2007

Je rentre demain

Je leur dis que je m’en vais. Certains disent que j’ai raison. Que j’ai de la chance de ne pas vivre ici. D’autres me demandent si je me suis plu dans le village. Ça m’a plu, oui. J’aimerais bien vivre ici, n’est-ce pas? Euh...

Circonstances.
Tous ils savent que j’étais ici. Tous ils savent qui j’étais. Ils m’ont vu passer avec ma Ford ou à pied, le Nikon en bandoulière. Ils m’ont vu, le casque sur les oreilles, pendant les élections.
Ils m’ont laissé faire. La plupart, je crois, approuvaient en silence. Ceux qui m’ont interpellé voulaient seulement officialiser leur accord. Comme hier, le correspondant local de la Gazzetta del Sud. 45 ans de chroniques, et quelques-unes dans le Corriere della Sera. Il a dit que j’ai un bel appareil photo. (Il sous-entend peut-être que je ferais mieux de viser autre chose que la station-service.) Ensuite, il m’interroge. Est-ce que je sais où se trouvait le village, à l’origine? Est-ce que j’ai vu les tombes creusées dans la colline? Un peu. Il montre la colline. Il marque son territoire. Je crois qu’au fond, il me dit que j’étais un invité, un simple invité. Je n’aspire à rien de plus.
Il fera un papier sur mon bouquin. – C’est en français. – Ah bon? On s’arrangera.
L’ami de mon cousin, samedi soir, m’a dit qu’il veut faire plus. Il veut organiser une fête pour le livre. Je dis que c’est un roman, que ça ne porte pas à proprement parler sur le village. Il dit que ça ne fait rien, que c’est un livre et que je suis d’ici.
Certains me disent que mon dialecte est parfait. Certains me disent que je parle italien comme un étranger – un étranger qui parle parfaitement l’italien, mais dont on sait, dès la deuxième syllabe, que c’est un étranger.
Mon grand-père, c’était le petit qui venait au bar de la place, celui qui n’existe plus? Oui. Mon père, c’est celui qui porte la moustache? Oui.
L’été est là. J’endosse mes habits d’été, mes habits colorés. Ils me disent que c’est plein de couleurs. Je leur dis que c’est mon uniforme de touriste. Sourire.
Un uniforme, pas un déguisement. Je me suis déguisé en villageois. Juste pour le printemps. Je vais ranger le costume dans le roman. Cela, je ne le leur dis pas.
Ils me disent bon vent.

19 février 2007

Acquedolci

Aujourd'hui, j'ai déjeuné avec Marco et mon cousin au Bellerive's Bar. On a causé.
Je pars dans trois jours, Marco dans deux mois. Cet été, je serai de retour. Lui, le retour, c'est là-bas.

31 octobre 2006

Les olives

Je suis de retour à Lausanne.
Ces huit jours ont été profitables à tout point de vue. La cueillette a été relativement fructueuse. Les contacts ont été noués. L’été prolongé en une parenthèse heureuse, saugrenue, puisque la température, avoisinant les 30° C en journée, retombait le soir et nous obligeait à allumer un feu de cheminée.
Nouveauté du voyage, en avion, depuis Genève (escale à Rome). À l’aller, départ à l’aube. À midi, on déjeunait chez la tante à Messine. Sentiment de distance abolie. Sur place, un repas de bienvenue mettait très vite les points sur les i: on ne badine pas avec les produits locaux. Comme la grand-mère ne saisit pas pleinement l’enjeu de l’année à venir et ce qui m’est arrivé, elle me dit: «Bravo pour ta nouvelle situation!» Situation, c’est bien ça. Une nouvelle situation, qui fait que les êtres, les choses, se situent différemment les uns par rapport aux autres. À cause des couleurs, peut-être, déjà: le vert a remplacé le jaune sur les contreforts, autour de la ville.

Hélas, nous n’en rapporterons pas un centilitre. La soute à bagages n’est pas indiquée pour le transport de ce genre de denrée.
Le week-end, emplettes, la mer encore, les petites villes qui n’en sont pas, vitrines improbables, visages enluminés, effondrements.
Déjà on est sur le bateau. Le temps a changé. Il vente comme avant notre arrivée. Dans le Financial Times, on pointe la faiblesse des investissements européens en Recherche et Développement.